article cover

Les enjeux du financement du sport en France

02/06/23 à 07h27 10 min

Le sport est un secteur essentiel en France, tant pour son impact économique que pour son rôle dans la société. Les politiques de financement du sport ont une importance cruciale pour assurer le développement et la pérennité de ce secteur. Mais derrière ces décisions se cachent de nombreux enjeux et défis. A travers cet article on essaiera de comprendre quels en sont les différents acteurs et ce que ca implique pour structures, les évènements et les sportifs en France. Malgré une comparaison rarement flatteuse vis à vis de ses voisins européens ou des Etats Unis, nous verrons que la réalité est bien plus surprenante.


SOMMAIRE

  1. Qui finance le sport en France ?
  2. Les enjeux et défis du financement du sport en France
  3. Les perspectives d’avenir pour le financement du sport français

Qui finance le sport en France ?

La France est le pays de l’Union européenne qui consacre le plus gros budget au sport, et l’accroissement constant des ressources envers le sport ne fait que confirmer la tendance. L’échéance olympique de Paris 2024 est évidemment à prendre en compte dans les efforts financiers envers le sport, mais nous allons voir que l’évènement ne suffit pas à expliquer cette hausse des dépenses. Faisons donc un état des lieux des différents types de financement et des acteurs clés en question.


Le financement public

20 milliards d’euros, c’est la somme déboursée chaque année par les acteurs publics pour développer et soutenir la pratique sportive sur l’ensemble du territoire ! Les collectivités territoriales en sont les premiers financeurs, à hauteur de 12,5 milliards, puis l’Etat, à raison de 6,5 milliards d’euros, issus principalement du budget du ministère de l’éducation nationale et de la sécurité sociale via le remboursement d’honoraires de plus de 8000 médecins du sport.


L’Etat

Par l’intermédiaire du ministère des sports et du ministère de l’éducation nationale, l’Etat élabore des politiques sportives, coordonne les actions des fédérations et alloue des subventions pour soutenir les activités sportives. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, 5,7 des 6,5 milliards d’euros injectés dans le sport en 2017 proviennent du ministère de l’éducation nationale, qui en est ainsi le premier contributeur. La majeure partie de cette dépense est orientée vers l’enseignement de l’EPS, nécessitant près de 40 000 enseignants sur le territoire français, et de l’enseignement supérieur à travers la filière STAPS.


INFO 1


Le budget du ministère des sports a atteint quand à lui cette année 1,1 milliard d’euros de dotations, soit 0,3 % du budget général. En seulement 5 ans, cette dépense représente une augmentation de 127%. Une partie de ce budget inclut le financement de l’Agence nationale du sport, qui a pour mission depuis 2019 de transformer le modèle sportif français pour développer les pratiques et répondre aux enjeux de haute performance en vue des Jeux Olympiques à venir.


Les principales missions du ministère des sports

  • Construction des équipements en vue de JO
  • Accompagnement des clubs et fédérations par l’intermédiaire de l’ANS
  • Subventions du Pass’Sport pour inciter les jeunes à adhérer aux structures sportives

Les collectivités territoriales

Tout comme la popularité du sport-spectacle met dans l’ombre tout un secteur de l’industrie, la force du soutien public au sport est souvent mesurée par rapport aux budgets de l’Etat. Pourtant, le sport repose principalement sur les collectivités territoriales (régions, départements, communes…). Leur place dans le sport scolaire à toutes les étapes du processus éducatif, leur relation étroite avec les associations sportives locales, leur soutien multiforme à la pratique autonome, et dans une moindre mesure au sport de haut niveau en font un acteur majeur du financement du sport.


Chacune des collectivités étant libre de s’investir dans le sport et ainsi développer ses propres politiques sportives, elles sont souvent inégales suivant les territoires. Mais elles n’en restent pas moins essentielles au développement de la pratique sportive ou des politiques transversales (éducation, citoyenneté, insertion, loisir, santé…). Avec leur champ d’action très local, elles peuvent ainsi jouer plusieurs rôle dans la mise en œuvre de politiques sportives centré sur le sport de proximité.


Concrètement, les communes se positionnent en véritable pilier du financement du sport en France. Sur l’ensemble du territoire, le sport est le deuxième poste de dépense des communes, après l’éducation. Elles assument 64% des dépenses globales, soit 8 milliards de dépense annuelles, dont une part importante dirigée vers les infrastructures. Les intercommunalités (EPCI), avec 3,1 milliards d’euros dirigés vers le sport, sont le deuxième financeur local du sport. Elles s’impliquent “en complément des communes comme relais d’efficacité économique”. Quant aux départements et régions, leur action directe est plus limitée, avec respectivement 800 millions et 600 millions d’euros dirigés vers le sport. Les départements dirigent leurs efforts sur la pratique massive du sport, et les régions se concentrant sur le haut niveau. Les différents niveaux de collectivités interviennent conjointement dans la construction d’équipements sportifs, mais les communes et leurs groupements en sont régulièrement maitres d’ouvrages de ces opérations.


INFO 2


Le financement privé

Alors que les collectivités occupent une place majeure dans le sport, on observe une montée en puissance des acteurs privés, notamment en ce qui concerne les équipements sportifs. 81% des équipements sportifs du parc français appartiennent aux collectivités locales (dont 72% rien que pour les communes) tandis que le secteur privé en possède 8%. Pour autant, sur les équipements construits depuis 2005, 20% sont désormais entre les mains du privé commercial. Un gain d’intérêt qui s’explique par une demande de plus en plus forte de flexibilité, de découverte et de pluriactivité avec des espaces dédiés de pratiques récentes (futsal, escalade indoor, padel…).


La filière sport, c’est 128 000 entreprises dont 101 000 sans salarié, dans l’enseignement et le coaching. L’Observatoire de l’économie du sport estime le poids du sport dans le PIB à 2,6%, confirmant la richesse et la vitalité du secteur, avec pas moins de 10 à 15 000 nouvelles entreprises créées chaque année. Chiffre d’affaires généré par les entreprises du secteur : 71 milliards d’euros.


Mais c’est bien dans le sport professionnel et le haut niveau que les entreprises sont les plus présentes. Logique, vu l’attractivité financière des sports les plus médiatisés. Les droits télévisés de la Ligue 1 de football par exemple, ont récemment atteint 1,15 milliard d’euros par an, alimentant directement les clubs professionnels en fonction de leur classement.


Et c’est logiquement dans le commerce et le sport professionnel et de haut niveau que les entreprises sont les plus présentes. Avec l’attractivité financière des sports les plus médiatisés, les entreprises n’hésitent pas à miser sur le sport comme vecteur d’investissements ou comme outil marketing puissant. Les droits télévisés de la Ligue 1 de football par exemple, ont récemment atteint 1,15 milliard d’euros par an, alimentant directement les clubs professionnels en fonction de leur classement.


De nombreuses entreprises font le choix de soutenir les associations sportives via différentes formes de financement.


Le sponsoring

Le parrainage ou sponsoring est la forme de financement la plus couramment utilisée en France, avec des montants estimés à environ 3 milliards d’euros par an. Les entreprises peuvent sponsoriser des événements sportifs, des équipes ou des athlètes individuels, souvent en échange de publicité pour leurs produits ou services. Le sponsoring peut également se faire à travers des partenariats plus durables, qui incluent la création de programmes sociaux et de formation pour les jeunes, ainsi que des actions de mécénat.


La naming

L’idée avec le naming, c’est de donner le nom d’une entreprise à une compétition, une enceinte ou une équipe sportive en échange d’un soutien financier (5,5 millions d’euros pour le Groupama stadium de Lyon, 2,7 millions pour l’Orange Vélodrome). Assez frileuse à ses débuts sur cette pratique qui est déjà pleinement intégrée depuis de nombreuses années outre atlantique, la France s’est pleinement appropriée la pratique, notamment avec le besoin de renouveler les stades. En comparaison, aux Etats-Unis, Scotiabank débourse 32 millions de dollars par saison pour renommer l’enceinte des Toronto Raptors.


Vélodrome

Le stade Vélodrome de Marseille, rebaptisé Orange Vélodrome - marseille.city-life.fr

Le mécénat

Soutien financier ou matériel apporté sans contrepartie publicitaire, contrairement au deux autres pratiques. Il permet au mécène de soutenir et de s’associer à une activité d’intérêt général et de bénéficier de réductions d’impôts.


Les entreprises soutiennent également la construction d’équipements de grande envergure. Lors de l’Euro 2016 par exemple, de nombreux stades ont été financés grâce à des partenariats public-privé (PPP), permettant aux entreprises privées de gérer les événements sportifs dans les stades publics en échange de leur investissement dans la rénovation ou la construction des infrastructures.


Equilibre entre financement public et privé

Comme souvent, reste à trouver un bon équilibre entre les différents types de financement. Dans le cas présent, les financements publics et privés sont tous deux essentiels pour assurer la pérennité du sport en France. Mais il y a une différence notable entre un financement du sport pour la pratique massive (rôle assumé par le secteur public), et le financement du sport spectacle avec comme objectif assumé une plus grande visibilité de la marque grâce au marketing.


Considéré comme plus stable et plus prévisible, le financement public du sport connait des limites. il peut souvent se révéler insuffisant pour couvrir les besoins du sport sous toutes ses dimensions. L’une des différences majeures ? La mise en concurrence et la maintenance des infrastructures. Les acteurs privés ont nécessairement un besoin de rentabilité, qui les oblige à garder un certain niveau de prestations.


Et dans ce domaine, la part public / privé en France diffère beaucoup de ce qu’on peut observer ailleurs. La France est le pays d’Europe ou le financement public du sport est le plus important. Dans de nombreux pays européens (Allemagne, Royaume-Uni, Suède…) la part des financements privés du sport est bien plus importante. On peut notamment expliquer ce phénomène par le financement des stades des équipes de football professionnelles, qui sont plus souvent la propriété d’entreprises privées.


Les enjeux et défis du financement du sport en France

La politique de financement joue un rôle central dans la poursuite des objectifs de développement du sport français, mais pas seulement. L’allocation des ressources intervient sur des aspects très divers, que nous allons voir dès maintenant.


Enjeu de santé publique

Quand on pense au sport, on pense souvent en premier lieu aux grandes compétitions, à l’aspect financier ou encore à la grandeur de ce qu’il représente. Mais le sport c’est aussi un enjeu majeur de santé publique.


Ce n’est une surprise pour personne, le sport et l’activité physique sont reconnus pour leurs nombreux bienfaits sur la santé, tant sur le plan physique que mental. Ainsi, un financement adéquat du sport peut contribuer à améliorer la santé globale de la population. Les actions possibles ? Faire la promotion pour une pratique sportive régulière et rendre les installations accessibles à tous pour favoriser un mode de vie sain et réduire les risques liés à la sédentarité. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), seulement 5% des adultes ont une activité physique suffisante pour que celle-ci soit protectrice sur leur santé. En cause (entre autres), le temps d’écran qui ne cesse d’augmenter ces dernières années.


Dans sa “stratégie nationale sport santé” l’Etat s’est donné comme cap “d’améliorer l’état de santé de la population en favorisant l’activité physique et sportive de chacun, au quotidien, avec ou sans pathologie, à tous les moments de la vie.” Une stratégie qui s’articule autour de 4 axes :


  • La promotion de la santé et du bien-être par l’activité physique et sportive
  • Le développement et le recours à l’activité physique adaptée à visée thérapeutique
  • La protection de la santé des sportifs et le renforcement de la sécurité des pratiquants
  • Le renforcement et la diffusion des connaissances

A terme, toutes ces dépenses peuvent contribuer à réduire les coûts publics en matière de santé. Un rapport datant de 2014 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit que les maladies chroniques non transmissibles sont responsables de 38 des 56 millions de morts (68 %) en 2012 au niveau mondial. Concrètement, en France, les coûts de l’inactivité physique est d’environ 1,3 milliard d’euros. D’où l’intérêt de mener des actions régulières pour promouvoir l’activité sportive.


Le défi des infrastructures

Pour qu’une telle action puisse être envisageable, la France doit répondre au défi constant des infrastructures et équipements sportifs. La construction, la rénovation et la modernisation des infrastructures requièrent des investissements considérables. Et les enjeux sont multiples : favoriser le développement de la pratique sur le territoire, offrir des installations de qualité, et répondre aux normes internationales pour attirer des évènements internationaux majeurs.


Favoriser le développement

On a vu plus haut qu’il y avait de nombreux moyens de financer le développement de la pratique sportive. En ce qui concerne les infrastructures, ce sont bien les communes qui sont le pilier du financement. Le sport est même le deuxième poste de dépense des communes, après l’enseignement.


En octobre 2021, le gouvernement annonçait son plan de création - rénovation de 5000 équipements sportifs de proximité. Pourtant, dans les faits, les équipements manquent dans les territoires ruraux, ou sont vieillissants. Parmi les 272 000 infrastructures recensées en France en 2022 et appartenant aux collectivités, 40% datent d’avant 1985. Ici, on parle bien des équipements de proximité,


Installations attractives

Mais dans ce financement, un équilibre doit être trouvé pour financer à la fois des équipements de proximité mais aussi des installations structurantes, attractives et de qualité. Des équipements qui sont souvent couteux, prennent de la place, mais qui permettent de se positionner sur le long terme. Une balance qui permettra de maintenir l’équilibre entre les moyens consacrés au sport pour tous et ceux dédiés au sport de haut niveau et à l’accueil de rassemblements sportifs de grande envergure.


Accueil des évènements majeurs

La France reste reconnue pour son héritage sportif et sa capacité à accueillir des événements sportifs internationaux de grande envergure. En l’espace de 20 ans, jusqu’en 2024, la France aura accueilli non seulement les JO mais aussi tous les championnats du monde de sport. Pour cela la France s’appuie sur des financements spécifiques, notamment via l’Agence nationale du sport.


Le financement du sport est-il toujours éthique ?

Le sport revêt aussi un enjeu éthique important en terme de financement. Et lorsqu’il fait l’objet de compétition, il offre un spectacle dont l’organisation requiert un financement et dont l’exposition permet de recueillir des recettes. Le sport, c’est désormais 2% du PIB mondial, soit 1200 milliards d’euros. Une manne financière qui suscite beaucoup de convoitise, d’autant plus avec l’abondance du sport spectacle. Et dès lors que la logique financière s’impose au sport, le risque de dérives par rapport à l’éthique sportive s’accroit.


Transparence et responsabilités liés à la gouvernance du milieu sportif

Véritable secteur économique, le sport aussi a été gagné par une logique financière, qui prend le pas sur la logique et les valeurs qui lui est propre (performance, respect des règles, égalité, fairplay…) . Les différents acteurs et entités sportives ont donc une responsabilité d’autant plus importante au vu du risque de déviance.


De nombreux textes sont venus encadrer la pratique sportive et les risques liés à son financement. Depuis 2006, un code du sport centralise une partie de la règlementation qui permet de protéger l’éthique sportive. L’association française anticorruption (AFA) considère d’ailleurs le sport comme étant un secteur avec un risque élevé en matière de corruption.


Du ministère en passant par les dirigeants des fédérations sportives et présidents de clubs, tous ont une responsabilité et un devoir d’exemplarité pour lutter contre des situations de conflits d’intérêts ou des faits de corruption. De nombreuses entités sont soumises depuis 2016 à la loi “Sapin 2” relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. C’est le cas notamment des acteurs cités plus haut mais aussi des sociétés privées de plus de 500 salariés avec un CA de plus de 100 millions d’euros et qui interviennent dans le monde du sport pour l’organisation d’évènements, l’exploitation de stades ou la détentions de clubs. L’AFA engage les différentes entités à adopter un dispositif visant à engager l’instance dirigeante, à cartographier et à gérer les risques.


Malgré toutes ces mesures, le sport souffre encore de quelques dérives. Les risques les plus courants sont généralement liés au sponsoring, à la présence d’intermédiaires, ou aux paris. Un exemple récent, celui de Denis Masseglia, ex-président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui selon les informations du Monde a “camouflé la moitié de ses frais comme « ambassadeur » et président honoraire pour ne pas susciter l’attention de la Cour des comptes”.


Denis

Denis Masseglia, ancien président du CNOSF - Jean-Marie Hervio / KMSP

Les perspectives d'avenir pour le financement du sport français

Comme on a pu le voir, la France consacre une part importante de ses dépenses publiques au financement du sport. La comparaison du modèle français vis à vis de ses voisins européens ou aux Etats-Unis peut fournir des éléments intéressants pour continuer à maintenir ce qui fait la force de notre modèle. Garder un tissu associatif et local très solide, élaborer des politiques cohérentes, en renforçant la transparence et en garantissant l’équité dans l’accès aux financements. Mais aussi développer les partenariats privés en s’inspirant du succès d’autres nations.


En somme, l’avenir du financement du sport en France repose sur la mobilisation collective, la créativité et l’engagement envers le développement sportif. En investissant de manière stratégique, en favorisant la collaboration entre les acteurs et en plaçant l’équité et la transparence au cœur des politiques, la France peut ouvrir de nouvelles perspectives pour le sport et faire face aux défis à venir avec confiance.

Partager