Quand Florian a ouvert sa première salle, il a fait comme beaucoup d’autres owners : il a foncé tête baissée, en mode passionné, avec un modèle économique classique. Le concept de base ? Des abonnements illimités à prix attractifs pour attirer du monde et rendre le CrossFit accessible. Sympa sur le papier, mais rapidement, la réalité l’a rattrapé.
Avec un salaire moyen autour de 1 500 €* pour les propriétaires de box en francophonie, le constat est clair : ce modèle est loin d’être viable. Florian résume bien la situation :
*chiffre obtenu lors d’une enquête menée sur le groupe WhatsApp géré par Florian, comptant plus de 710 owners francophones
Beaucoup ont fait comme moi, ils ont commencé en free-style. Le problème, c’est que 10 ans après, ils sont toujours en free-style et galèrent à boucler les fins de mois.
Les salaires sont insuffisants, mais ce n’est pas tout. Ce système économique traditionnel a de nombreuses limites. Parmi les plus flagrantes : les adhérents “vampires”. Ces passionnés qui s’entraînent presque tous les jours, squattent les créneaux et saturent la salle. Résultat chez War Machine : 800 personnes en liste d’attente et une rentabilité en berne.
À ses débuts, Florian ne se sent pas non plus à l’aise avec sa position de manager. Sortant tout droit de l’armée, où les cadres sont stricts, il a voulu «la jouer cool». Le problème c’est qu’à être trop souple, il s’est retrouvé à faire ami-ami avec ses coachs et il était alors devenu compliqué de faire jouir quelconque autorité. Ne trouvant pas sa place, Florian s’est épuisé à jongler entre les différents postes, de coach à owner, en passant par la communication ou le ménage.
Avant j’avais la vision de la fourmi. J’étais beaucoup trop en contact, je ne voyais strictement rien, tout était trop gros pour moi, je ne me rendais compte de rien.
Le coup de grâce est venu pendant les confinements du Covid. Fermetures forcées, montagnes russes émotionnelles, Florian frôle le burn-out. Mais il ne se laisse pas abattre : il profite de cette pause pour se former, réfléchir, et poser les bases d’un nouveau modèle, permettant ainsi à la fourmi de se transformer en aigle.
Face aux limites du modèle traditionnel, Florian décide de repenser son mode de fonctionnement. Son objectif : créer un système qui garantit une meilleure rentabilité tout en simplifiant la gestion quotidienne de sa box. Finalement, on pourrait résumer ça par : SOUFFLER. Et pour y arriver, il apporte plusieurs changements radicaux, à commencer par ses équipes.
Après une formation sur la gestion, il décide de progressivement changer la structure de ses équipes ainsi que leur mode de fonctionnement. Mais alors, qu’est ce qu’il se passe concrètement chez War Machine ? Comment se compose l’équipe ?
En haut de la pyramide, on retrouve donc Florian. C’est lui qui a le plus de recul sur le quotidien. Un recul crucial qui lui permet de développer un tas d’idées, sur lesquelles il pourra ensuite échanger avec son équipe pour les implémenter directement.
La mise en place je ne suis pas bon. Je suis bon pour aller chercher les idées. Je suis un opérateur, un créateur. Mais sur les tâches du quotidien je suis très très mauvais. Genre la gestion des plannings.
Juste en dessous, on retrouve Laetitia - la manageuse des deux salles War Machine, une sorte de “head coach ++” (comme nous explique Florian), qui fait aussi du coaching. Pour faire simple, c’est un poste hyperpolyvalent, indispensable au bon fonctionnement des boxes. Les missions vont du management d’équipes, en passant par de la stratégie de communication ou de la gestion opérationnelle des boxes.
Ensuite, il y a deux référents - un pour chaque salle. Leur rôle est de filer un coup de main à Florian sur des missions du quotidien. Veiller au bon déroulement de la journée, faire en sorte que la salle ait tout ce qu’il faut pour fonctionner correctement. Les référents peuvent donc se retrouver à aller faire des achats spécifiques pour la salle, recadrer les coachs ou même sortir les poubelles.
On descend d’une marche, et on retrouve les coachs. Florian a également une manière bien pensée de travailler avec eux. Tenez, par exemple, il nous expliquait que si un coach se présente à lui avec l’envie de travailler à War Machine avec le bon comportement mais pas suffisamment de technique, il avait une solution toute trouvée : il leur propose tout simplement de venir s’entrainer dans sa salle. L’idée est qu’ils prennent en technique mais également qu’ils puissent voir comment les coachs se comportent avec les membres. C’est gagnant-gagnant.
Pour faciliter le bon déroulé des journées des coachs et pour éviter les “Ha bah ouais mais j’étais pas au courant”, Florian a également mis en place des feuilles de route. C’est simple, tout le détail de leur journée est noté dessus. Les coachs n’ont alors plus qu’à suivre ces feuilles pour s’assurer de cocher toutes les cases de leur to do de la journée.
Et enfin, War Machine a une petite équipe d’alternant.e.s et de stagiaires. Soit des étudiants issus d’une filière en communication, soit d’un programme BPJEPS, qui jonglent donc, entre coachings et communication.
Florian nous a confié que prendre cette position de manager, trouver le bon équilibre et restructurer ses équipes et leur fonctionnement à été le challenge le plus important de ses 10 dernières années au sein de sa salle de sport. Le changement est compliqué à appliquer pour soi-même mais il est tout autant compliqué à accepter pour des personnes qui travaillent avec vous depuis longtemps. Florian est passé par là comme sûrement beaucoup d’autres owners avant, alors n'hésitez pas à demander de l’aide à vos pairs.
Restructuration financière
Le deuxième grand changement n’est pas humain, il est financier. Florian a cassé son modèle économique de base et est reparti sur du tout beau, tout neuf et surtout tout rentable. On vous a déjà parlé plus haut des adhérents fanatiques de CrossFit et suceurs de créneaux : les vampires, comme les appelle Florian. Ce qu’on ne vous a pas dit c’est comment ils se sont retrouvés à empiéter sur tous les cours. Eh bien, c’est simple. Jusqu’en 2022, chez War Machine, pour 77€ vous aviez accès à un abonnement illimité. Oui, oui. On vous la fait courte : c’est la cata.
Florian prend donc la décision cette année-là de monter ses tarifs de 15% (en moyenne) et de repenser ses abonnements. Aujourd’hui, début 2025, si vous franchissez la porte de War Machine, voici ce que vous trouvez :
Ce modèle économique, atypique dans le milieu du cross-training, est pensé à la fois pour la rentabilité de la box, l’autonomie des adhérents, la rotation constante des adhérents sur les créneaux et la facilitation des procédures pour les coachs. Florian applique ce modèle sur ses deux salles.
2,50€, ça parait très très peu, mais ces cours additionnés et cumulés à un abonnement de base finissent par faire un panier moyen intéressant, pas encore suffisant, mais intéressant.
Il explique que le prix des abonnements en France est “catastrophique”. Que ce n’est pas normal qu’un membre vous dise “vous êtes fous” à la vue d’un abonnement illimité à 115 €. Florian encourage toutes les salles de France à monter leurs prix malgré la peur que peut générer cette idée. Contrairement à ce qu’il redoutait, son nombre total d’abonnés n’a pas chuté de façon significative. Alors oui, certains sont partis inévitablement, mais d’autres sont arrivés. Florian parle d’ailleurs d’une “toute nouvelle clientèle” et “d’une nouvelle manière de consommer le sport”, moins compète mais qui permet de faire tourner plus de personnes dans la salle.
Si on croit en sa valeur, ça l’fait !
Lorsqu’on parle de structure et de restructuration, on peut également faire le rapprochement avec affiliation et désaffiliation. L’affiliation CrossFit est évidemment un paramètre financier à prendre en considération. Mais pas que. On voit notamment depuis quelque temps une vague de désaffiliation en France. Florian nous a donné son ressenti sur cette tendance qui se dessine ainsi que ses conseils en tant qu’owner.
Rejoindre CrossFit, c’est se greffer à une communauté internationale où la passion du sport est partout. Pour une box qui débute, ça peut faire toute la différence, mais Florian pointe aussi des frustrations. Pour lui, le coût de l’affiliation (passé de 3000 à 4 500 $ par an depuis 2024) n’est pas justifié. Les services n’évoluent pas, et la communication de CrossFit France est… discrète. Il trouve que la marque ne fait pas toujours la différence sur le terrain, surtout dans certaines zones rurales. Cela dit, il ne rejette pas tout en bloc. Il explique que, dans certaines situations, garder l’affiliation peut être une super stratégie – comme pour les boxes situées dans des endroits touristiques, qui comptabilisent un nombre important de drop-in.
Après des années en tant que box affiliée, Florian dit stop et, en juillet 2024, il se désaffilie. Il ne voyait plus l’intérêt de payer pour un label qui ne lui apportait plus rien. Ce qui l’a surpris ? Ses adhérents, eux, n’ont pas été particulièrement touchés par cette annonce.
Mes membres, la désaffiliation, ils s’en tapent totale. Je suis tombé des nues. Potentiellement, ça fait des années que je le paye pour rien.
Un des trucs les plus frustrants pour Florian, c’est l’opacité de CrossFit. Alors, il a décidé de créer un groupe social (Facebook & WhatsApp) qui mise sur la transparence et le partage. Résultat ? Plus de 710 owners francophones partagent conseils et astuces au quotidien.
Besoin d’une info sur la gestion d’une hausse de tarifs ? Ou juste un coup de pouce pour choisir du matos ? Le groupe est là pour ça. C’est un vrai réseau d’entraide qui permet de gagner du temps et de ne pas se sentir seul face à des galères qui, au final, sont souvent les mêmes pour tout le monde.
Bon, mais alors, faut-il s’affilier à CrossFit ? Florian le dit lui-même : il ne s’agit pas de prendre parti. CrossFit peut être une vraie valeur ajoutée pour certains, tandis que d’autres fonctionnent mieux en toute indépendance. Tout dépend de votre vision, de votre box, et de votre clientèle.
L’essentiel ? Rester flexible, savoir s’adapter, et surtout, ne pas hésiter à demander de l’aide – que ce soit à travers des groupes comme celui de Florian ou auprès d’autres owners. Parce qu’au final, que vous soyez affilié ou non, ce qui compte, c’est de garder l’esprit communautaire du CrossFit, peu importe l’étiquette.
On a demandé à Florian ce qu’il s’imaginait pour le futur de sa box et du milieu de manière plus générale. La réponse tient en 4 points :
Si jamais tu vas voir un marchand de glace et qu’il ne te propose qu’un parfum, tu seras probablement déçu. Tu vas aller voir ailleurs et le marchand de glace ne gagnera pas sa vie.
Comprenez par ici que le marchand, c’est l’owner et les glaces, et bien, les cours. L’idée n’est pas de partir dans tous les sens et de proposer des cours de Zumba (même si c’est très bien, la Zumba, cœur cœur), mais plutôt de repenser la structure des salles et des abonnements.
On s’explique. L’idéal pour Florian ce serait :
Et à ça, s’appliqueraient les abonnements suivants :
En bref, on se simplifie la vie, on organise ses espaces, ses prix et on se rentabilise. SOUFFLEZ.
On espère que tout comme nous, vous en avez appris plus sur la gestion de salle et sur l’histoire de War Machine. Retrouvez aussi cet épisode sur toutes vos plateformes de podcasts préférées. Nous sommes convaincus que l’expérience d’une décennie de Florian peut aider bon nombre d’entre vous, tout comme son groupe WhatsApp / Facebook. Si vous voulez le rejoindre c’est ici.